On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Ce vieil adage, le Carrefour communautaire francophone de London (CCFL) l’a remis au cœur de l’actualité bien malgré lui au cours des dernières semaines. Une controverse – qui semble être en voie de se résorber – a éclaté suite au réaménagement de l’espace de travail au sein des bureaux et en particulier en ce qui concerne les conséquences de cette initiative sur la bibliothèque.

Contexte

Les francophones de London ont souvent entendu parler des programmes qui se multiplient au CCFL, en particulier ceux liés à l’immigration et à la santé. L’organisme prend de l’expansion et le conseil d’administration de même que le directeur général anticipent qu’il pourra se doter sous peu d’un bâtiment bien à lui et quitter le Centre Desloges, où les bureaux qui lui sont alloués s’avèrent de plus en plus exigus pour ses besoins et activités. En fait, au train où vont les choses, il se pourrait que ce déménagement ait lieu dans un an et demi.

Ce développement rapide se justifie, au plan pratique et au regard des bailleurs de fonds, par le champ d’activité toujours plus grand du CCFL. L’organisme se trouve donc actuellement en transition entre les ressources dont il dispose et ses objectifs ambitieux.

Cette situation ambiguë exigera cet automne que les bureaux soient réaménagés afin d’accommoder les nouveaux services. Les employés et bénévoles seront un peu plus à l’étroit et il est attendu que quelques sacrifices seront nécessaires jusqu’à ce que l’obtention d’un édifice permette finalement à chacun de jouir d’un espace aussi confortable que fonctionnel.

Ce plan semble simple sur papier, mais c’est le genre d’initiatives complexes qu’il est difficile de mettre en œuvre sans froisser les uns ou les autres. Ainsi, l’un des programmes du CCFL qui en fera les frais est la bibliothèque. Celle-ci devra quitter son local actuel pour être relogée dans une pièce plus petite à proximité de laquelle se trouvera une salle de lecture et de réunions.

Controverse

La Biblio-franco n’était pas, à l’origine, un programme du CCFL, mais une idée du Cercle des copains, le club des aînés de London, qui l’a fondée et tenue à bout de bras pendant longtemps. Au fil des années, les deux organismes en sont venus à se partager la responsabilité de la seule bibliothèque de langue française de la ville jusqu’à ce que le Cercle des copains soit lui-même absorbé par le CCFL. Les aînés ont cependant continué à être les bénévoles et les principaux utilisateurs de la Biblio-franco dont ils ont toujours été très fiers.

Au cours de l’été, le directeur général Jean-Pierre Cantin a rencontré Julie Chalykoff, responsable de la bibliothèque, pour lui indiquer que les livres et autres ressources devraient être mises dans une autre pièce, le local devant servir sous peu à un autre usage. De grands efforts avaient été investis par de nombreux bénévoles pour faire de la bibliothèque ce qu’elle est aujourd’hui et cette demande, décrite comme soudaine et sans préavis par plusieurs, a donné l’impression que la Biblio-franco se faisait rétrograder.

« Quand on a su qu’on devait déménager dans un local plus petit, on a écrit une lettre pour s’opposer », explique Lise Leblanc, une des francophones à s’être investie dans le développement de la bibliothèque et aujourd’hui responsable du club de lecture. Signée par une trentaine de personnes, la lettre, à l’intention du conseil d’administration, exprimait l’inquiétude et la déception de la communauté face à ce changement. Les signataires demandaient à être entendus du conseil d’administration.

Celui-ci a accédé à leur demande et, en préambule de sa réunion du 19 septembre, a reçu une quinzaine de personnes opposées à ce projet. Mme Leblanc était leur porte-parole et a lu un exposé synthétisant l’historique et la valeur sociale de la bibliothèque. Elle y contestait aussi le processus de prise de décision au sein du CCFL et soulignait que cette initiative n’était pas loin de constituer un manquement à son mandat de favoriser la consultation communautaire et un bris de confiance à l’endroit des aînés. Ceux qui l’accompagnaient ont posé des questions et expliqué ce que représente la bibliothèque dans leur vie.

« C’est sûr que le directeur général a des projets intéressants et que c’est supposé être temporaire, mais on ne sait pas pour combien de temps », temporise Mme Leblanc.

« Je comprends leur insatisfaction, commente Sylvain Giroux, vice-président. Pour eux, c’est plus que les ressources qu’ils utilisent : c’est un point de rassemblement. »

Une vision d’ensemble de la situation est selon lui nécessaire pour comprendre les objectifs du CCFL et rebâtir les ponts. «  On est conscient que ce groupe est très important, qu’il est en croissance dans la communauté et on veut garder de bons contacts avec les aînés », ajoute-t-il.

« C’est un réaménagement qui a été bien pensé, se défend Jean-Pierre Cantin. Là où il y a eu un manque, c’est sur le plan de la communication. » Le directeur général, qui est toujours à la recherche d’un nouveau centre, dit comprendre la déception des contestataires et assure qu’il ne veut pas fermer la Biblio-franco. « La bibliothèque aura feu et lieu dans ce nouvel emplacement avec un local au moins aussi grand que ce qu’ils avaient jusqu’à maintenant », confirme-t-il.

Conclusion

N’empêche, une insatisfaction subsiste chez plusieurs. Julie Chalykoff, qui est bien placée pour avoir vent de ce qui se dit de part et d’autre puisqu’elle est membre du conseil d’administration et bénévole de longue date à la bibliothèque, est d’avis qu’un plan de communication aurait pu prévenir cette situation. Malheureusement, il est trop tard pour envisager cette option et il ne reste donc plus aux parties en cause qu’à laisser la poussière retomber et d’attendre la suite des choses.

PHOTO : Le Centre Desloges où se trouve le CCFL, anciennement CCRL