Luc Augustin Samba n’est peut-être pas connu des membres de l’Académie française ou du jury du prix Goncourt mais il l’est très certainement des paroissiens de l’église du Sacré-Cœur à Welland. Cependant, ce prêtre d’origine africaine a plus d’une corde à son arc et, le 1er août, il faisait son entrée dans le monde de la littérature avec la publication d’une nouvelle à connotation biographique.

Intitulé Les Pleureuses d’Afrique, ce court roman de 68 pages, publié chez Édilivre, retrace un épisode tragique dans la vie de la famille du père Samba, soit l’assassinat d’un de ses frères lors de violences politiques au Congo-Brazzaville. Les noms ont été changés mais les évènements racontés demeurent véridiques. « Cette nouvelle littéraire, c’est un devoir de mémoire et de vérité », explique Luc Samba, pour qui le sujet est évidemment très personnel. Pour la majorité des lecteurs, ce récit est aussi une initiation à la société africaine, ses mœurs et sa psyché, ainsi qu’une réflexion sur des thèmes autant locaux qu’universels.

Le cœur du récit relate les dernières heures de Martial Mbemba, un simple citoyen qui résidait à ce moment à Brazzaville, la capitale de la République du Congo. En 1993, la ville était alors convulsée par les troubles politiques qui affligeaient le pays et diverses milices s’en partageaient les quartiers. L’épouse de Martial avait accouché d’un fils mais, dû au stress occasionné par les affrontements armés, n’était plus en mesure de l’allaiter. Il était possible de se procurer du lait pour nourrisson à l’hôpital mais celui-ci se trouvait dans une zone contrôlée par les membres survoltés d’une milice. 

Que faire?

Martial Mbemba prend la décision de se rendre à l’hôpital. Sa mère, en pleurs, tente de l’en empêcher, convaincue qu’il périra dans cette aventure. À court d’alternative, toute la famille décide de rester solidaire et de se rendre ensemble à l’hôpital, espérant que les hommes armés rôdant dans ses parages se montreront compréhensifs à la vue de deux femmes et d’un nouveau-né. Le passage d’un quartier à l’autre se fait plutôt aisément mais c’est hélas alors qu’ils sont à deux pas de leur destination que les choses tournent mal. 

Martial Mbemba se fait alors interpellé par quelques miliciens. Comme c’est souvent le cas dans ce type de situation, leurs motivations demeureront sans doute à jamais obscures mais il semblerait qu’ils étaient à ce moment sous l’effet de drogues. La variable ethnique a peut-être également joué. Quoi qu’il en soit, sans qu’il ait eu le temps de s’expliquer, sans qu’aucune raison ne soit donnée, Martial Mbemba est tiré à bout portant devant sa mère et son épouse. Celles-ci ont cependant pu se rendre à l’hôpital sous l’intervention du supérieur des miliciens, arrivé sur place pour calmer la situation. L’enfant a pu recevoir les soins nécessaires et être sauvé.

Cette histoire, qui malheureusement connaît mille et une variantes aux quatre coins du monde, Luc Samba a voulu en faire un objet de réflexion. « C’est de discuter des forces de persuasion qu’une femme peut avoir pour maintenir un climat de paix dans la vie quotidienne », explique le père Samba. Des pleurs d’une vieille femme qui s’interpose pour ne pas laisser partir son fils jusqu’à celles de ces « pleureuses » africaines professionnelles, embauchées à l’occasion de funérailles pour veiller le défunt, les pleurs sont un bouclier contre la violence et une célébration désespérée de la vie. Le roman cherche non seulement à évoquer la place de la femme en situation de guerre mais sa thématique englobe également le thème de la paix. Alors que le vieil adage prétend que « qui veut la paix prépare la guerre », Luc Samba veut penser la paix en fonction d’elle-même, et non comme un bouche-trou des conflits armés.

On peut se procurer Les Pleureuses d’Afrique par le biais du site web Amazon ou en demandant simplement au père Samba d’en commander un exemplaire.